La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

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Le MJ a-t-il toujours raison ?


Tout rôliste a déjà lu, entendu ou même prononcé ces mots : « Le MJ a toujours raison ». Cette phrase toute simple issue de l’illustre Gary Gygax est presque devenue un lieu commun pour beaucoup de tables rôlistes. Pourtant, cette phrase a deux sens différents. Elle peut signifier que le MJ a une totale liberté par rapport aux règles et au background ce qui implique que quoi qu’il fasse, il ne peut pas avoir tort de le faire. Le second sens ne correspond pas à une description d’un fait mais plutôt à un principe. Il s’agit de décider d’appliquer la règle selon laquelle la parole du MJ ne doit pas être remise en cause, en supposant que cette règle permet de mieux réguler les parties. Étant en désaccord avec ces deux sens différents et considérant donc que décidément, non, le MJ n’a pas toujours raison, je vais détailler ici mes arguments contre les deux sens de cette phrase.

Le MJ a tort d’avoir tort

Je traite ici du premier sens évoqué : l’idée que les choix du MJ ne sont jamais mauvais mais qu’ils sont simplement ses choix, c’est-à-dire l’expression de sa liberté de MJ. Commençons par apporter une petite précision qui sera utile dans toute la réflexion. Un MJ a bien entendu le droit de faire des scenarii minables, mal menés et ennuyeux pour ses joueurs. C’est son droit le plus strict. Il a aussi le droit de modifier les règles et les backgrounds des jeux y compris pour faire des règles complètement déséquilibrées si ça le chante. Personne ne conteste cela, surtout pas moi et il serait idiot de le contester puisqu’au final, personne ne contrôle ce que font les rôlistes pendant leurs parties. De fait, le « chacun fait ce qu’il veut » est totalement acquis dans le jeu de rôle (en restant dans le cadre de la loi, quand même…). Cependant, « chacun fait ce qu’il veut » n’est pas équivalent à « chacun a raison de faire ce qu’il fait ». La liberté d’effectuer une action est sans lien avec le bien-fondé de cette action. Le MJ peut donc exercer sa liberté de MJ pour faire de mauvais choix, il en a le droit, mais il n’a pas raison de le faire. Ce qui peut nous rendre frileux à parler d’erreur du MJ lorsqu’il se trompe sur un point de règle ou de background est que nous sommes généralement d’accords sur le fait qu’un MJ propose une interprétation personnelle d’un background et qu’il peut modifier les règles comme il le souhaite. Plusieurs distinctions doivent cependant être faites. Premièrement, un MJ qui choisit de modifier une règle n’est pas dans le même cas qu’un MJ qui se trompe sur un point de règle. Le premier cas est supposé être un choix raisonné qui maintient un certain équilibre et comporte des avantages alors que le second cas peut tout simplement réduire les qualités simulationistes d’un système ou encore défavoriser un joueur. Deuxièmement, chacun interprète sa propre version du background avec toute la subjectivité que cela comporte, mais les quelques dizaines, voire centaines de pages de background décrivent tout de même majoritairement des faits objectifs. On peut avoir des différences de vues, mais si un MJ de Warhammer croit que la plupart des Skavens prient le dieu Khorne, il se trompe sur un fait objectif qui ne relève pas de l’interprétation. Lorsqu’on dit que ce MJ de Warhammer présente « sa version » de Warhammer, on joue sur les mots de manière absurde. Ça ne pose pas de problème particulier, mais c’est bien ce qu’on appelle « faire une erreur ». De fait, le MJ n’a pas toujours raison. 

MJ : la vérité révélée ?

Comme nous l’avons précisé, « le MJ a toujours raison » est aussi un principe assez répandu qui conseil de donner une autorité maximale au MJ sur ses joueurs. L’idée est que le MJ n’a pas à convaincre le joueur car ce dernier est supposé avoir intériorisé la hiérarchie. Le MJ aurait raison parce qu’il est le MJ. Plutôt qu’une généralité, il s’agit d’un mode de fonctionnement très spécifique qui n’est à mon avis utile que dans certains cas précis. Lorsque j’ai commencé le jeu de rôle, nous étions un groupe de jeunes adolescents turbulents et chamailleurs. Dans ce cadre, les affrontements verbaux sur un point de règle ou encore une action jugée possible ou impossible étaient très fréquents. Or, ces affrontements sont pénibles pour tout le monde. Décider que dorénavant, le MJ aura systématiquement le dernier mot permet de trancher ces désaccords, pas forcément avec pertinence, mais en tout cas avec rapidité. Cependant, avec les années et la maturité, je constate que les choses se passent très différemment aujourd’hui. Lorsque je mène une partie, il m’arrive régulièrement de poser des questions sur des points de règles à un joueur qui les connaît bien. A l’inverse, nous avons un MJ qui nous demande de décider nous-même des caractéristiques qu’il nous semble logique de tester pour les actions que l’on entreprend. Bien entendu, cela est possible parce que dans ce groupe de rôlistes, le postulat de bonne foi du joueur est une absolue évidence. Ceci dit, je trouverais aujourd’hui insupportable un MJ qui imposerait des règles stupides et surtout indiscutables. Lorsque les joueurs sont matures, le MJ n’a pas besoin de faire croire qu’il a toujours raison. C’est un fait que parfois, un joueur a de meilleures idées (plus équilibrée ou plus réaliste) que le MJ sur la manière de résoudre une action. Déclarer que le MJ a toujours raison revient à considérer que le désaccord éventuel doit être coupé par la racine en décidant de qui a raison avant même de connaître l’objet du débat. Dans les groupes capables de résoudre par la discussion simplement et rapidement ce genre de situation, celui qui a raison est celui qui a les meilleurs arguments. Le résultat est que la solution choisie s’impose par sa qualité, elle est donc logiquement meilleure. « Le MJ a toujours raison » est donc un principe qui permet de réguler l’activité de certaines tables, mais lorsque ce principe n’est pas nécessaire, il est néfaste car il peut faire prendre de mauvaises décision et peut aussi générer une certaine frustration chez les joueurs qui pensent avoir raison mais laissent le MJ décider, du haut de sa toute puissance.

Mj : un arbitre ?

Pour résumer, le seul cas dans lequel la phrase « Le MJ a toujours raison » est valide est lorsqu’elle désigne un morceau de contrat social entre des rôlistes qui font le choix d’éviter toute confrontation entre joueurs en donnant la toute-puissance au MJ. Faire ce choix est sans doute raisonnable et dans certains cas où la table est composée de compétiteurs ou de coupeurs-de-cheveux-en-quatre difficiles à concilier. Il devient stupidement dogmatique s’il est maintenu dans des tables matures et dans lesquelles la communication y compris contradictoire fonctionne de manière fluide et satisfaisante.

Sylvain

1 commentaires:

Très intéressant ! Je ne vais pas ajouter grand chose, car c'est tout à fait pertinent. Le MJ est en effet plus un arbitre/narrateur, qu'un véritable "maître". J'évite d’ailleurs d'utiliser cette appellation.

Malgré l'âge, certains peuvent tout de même se montrer "taquin", pour rester poli. Et il m'a tout de même fallu utiliser la sacro-sainte autorité du MJ avec un pote trentenaire qui ne supportait d'avoir à sacrifier ses objets (voir même ses propres points de vies) lors de combat au demeurant important. (genre baston de fin de partie).
Ce joueur prétextait toujours la faiblesse des règles, ou la supériorité de son personnage et que sais je encore...,pour tenter d'avoir le dernier mot.
Toujours dans la négociation, jamais d'accord avec le MJ. Nous avons même eu à deux reprises de violentes disputes PENDANT des parties.

Là ou l'autorité du MJ ne suffisait plus, celle du pote est intervenu. Il ne fait plus partie de mes tables désormais.

 
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