La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

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Combien de joueurs à votre table ?


D’après les livres de base et les scenarii commerciaux que j’ai eu l’occasion de lire, il semblerait que le nombre classique de joueurs dans une partie de JDR soit de 3 ou 4 en plus du MJ. Dans la pratique, ce nombre peut grandement varier selon les disponibilités des personnes et aussi des préférences personnelles. Le nombre de joueurs dans un JDR a un impact important sur le déroulement de celui-ci. Nous aborderons ici la nature de cet impact du point de vue des joueurs, puis du point de vue des MJ. Dans cette réflexion, nous mettons volontairement de côté un élément certes important mais non spécifique au JDR : le fait qu’il s’agisse d’un moment convivial potentiellement plus appréciable sur ce plan lorsque le nombre de joueurs est élevé.



Le point de vue des joueurs 

Il est relativement évident que le temps de parole d’un joueur est négativement corrélé au nombre de joueurs présents. Autrement dit, plus les joueurs sont nombreux et moins chacun d’entre eux va pouvoir jouer. J’ai participé à une séance dans laquelle nous étions 7 joueurs en plus du MJ et j’en ai plutôt un mauvais souvenir. Dans une partie de ce type, l’activité du joueur consiste à attendre son tour pendant plusieurs minutes pour prendre périodiquement la parole de façon brève. Si vous aviez l’intention d’explorer à fond votre personnage dans de longs roleplays dramatiques, oubliez.

Par ailleurs, tout se passe plus lentement avec une telle table. Puisque chacun patiente plusieurs minutes sans participer, on ne peut en vouloir à personne de se mettre à papoter avec son voisin de table, lui aussi attendant son tour de parole. Canaliser l’attention de nombreux joueurs pendant une séance est difficile et c’est tout à fait compréhensible. La deuxième raison qui ralenti le jeu est que dans un tour donné, l’ensemble des joueurs va devoir décrire son action et faire les jets de dés correspondants. Pour un temps fictif équivalent, le temps réel passé sera donc plus important que lorsque le nombre de joueurs est plus faible.

J’ai aussi eu l’occasion de participer à quelques parties à 2 joueurs. Dans ce cas de figure, le tableau est bien différent. Le temps de parole est plus important et permet notamment de faire tout le roleplay souhaité. Le narcissisme des joueurs est potentiellement bien plus satisfait car on a alors la possibilité d’explorer le personnage et de s’appuyer sur son historique pour le déroulement de l’histoire parce qu’on en a le temps, mais aussi parce que le MJ est en mesure d’avoir en tête les historiques et de s’y adapter du fait de leur faible nombre. Ainsi, je pense que du point de vue du joueur, il est préférable d’avoir une table plutôt restreinte.

Le point de vue du MJ

Du point de vue du MJ, les choses sont totalement différentes. On pourrait penser en premier lieux que plus de joueurs implique plus de travail. En fait, je pense que c’est loin d’être systématique. Dans ma pratique de MJ, j’ai constaté qu’un même scénario durait presque toujours bien plus longtemps avec un grand groupe. Il y a d’abords, comme je l’ai déjà évoqué le fait que chacun va décrire ses actions et faire ses jets, ce qui prend du temps, mais il y a une autre raison moins mécanique, le roleplay entre les personnages.

Pendant plusieurs années, je n’ai masterisé que devant deux joueurs. J’ai alors inconsciemment pris l’habitude de prévoir une certaine quantité de contenu pour tenir le temps de la séance. Or, j’ai récemment mené une partie avec 5 joueurs, et je me suis rapidement rendu compte que j’avais prévu un scénario bien trop long. En fait, je m’en suis même aperçu dès les premières minutes de jeux car les personnages joueurs se sont immédiatement mis à faire du roleplay entre eux sans que je n’intervienne. Un bête voyage en train qui aurait été expédié d’une phrase avec un plus petit groupe a ici duré plusieurs minutes. Ce phénomène s’est poursuivi tout au long de la séance pendant laquelle des conflits, des désaccords ou de simples discussions ont animé la vie du groupe sans nécessiter d’intervention de ma part.

Masteriser pour de nombreux joueurs demande moins de création de contenu par le MJ parce que les joueurs créent eux-mêmes du contenu. C’est même tout-à-fait logique puisque le JDR pour un joueur consiste à interagir avec l’environnement du PJ. Si le joueur est seul, toutes se interactions se font avec un environnement piloté par le MJ. Si les joueurs sont nombreux, alors les autres joueurs constituent le premier plan de l’environnement de mon PJ et je vais interagir avec ceux-ci sans que cela ne mobilise le MJ.


Si mes meilleurs souvenirs de joueur sont issus de parties à « petite table », mes meilleurs souvenirs de MJ proviennent de séances dans lesquelles les joueurs, nombreux, ont construit eux-mêmes tout un pan d’histoire et où le récit final est assez différent de ce que j’avais imaginé à priori. D’une certaine manière, c’est comme si la présence de joueurs nombreux rééquilibrait le rapport de force qui existe entre les joueurs et le MJ dans l’élaboration coopérative d’une histoire. Ce tableau que je dresse ici pourrait laisser penser que le choix se fait entre faire plaisir aux joueurs et faire plaisir au MJ. En fait, il existe un certain nombre de techniques (partiellement évoquées dans le Carnet d'un jeune rôliste) permettant de prendre les avantages d’un nombre de joueurs sans en prendre les inconvénients. Par exemple, face à un très faible nombre de joueurs, un MJ peut tirer parti au maximum des historiques de personnages qui constituent un contenu directement disponible et souvent exploitable. A l’inverse, un MJ faisant face à de nombreux joueurs peut fonctionner en duo avec un second MJ, imprimer des récapitulatifs des règles principales pour que les joueurs y aient accès pendant la partie. Il peut même si cela est pertinent aller jusqu’à simplifier les règles.

Sylvain

3 commentaires:

Pour une fois, j'ai a redire sur la pertinence de l'article. Si de nombreuses observations enrichissent ma réflexion, AMHA, envisager les choses sous l'angle MJ/joueur ne convient pas vraiment. Le meilleur exemple est qu'en reprenant ton argumentation, j'arrive perso à des conclusions inverses en ce qui concerne mon plaisir jdr. Il est maximisé en tant que MJ quand ça ne part pas dans tous les sens pour causer du dernier MMORPG, et pour éviter cela un nombre de joueurs réduits aide beaucoup... Il est maximisé en tant que joueur quand nous partons dans un délire rolistique ou para rolistique, auquel une grosse dynamique de groupe donne toute son ampleur et que le MJ s'efface ou contribue "à part égal".
Cela dit tout cela est très subjectif et dépend véritablement des attentes du joueur/MJ... ou vas la priorité rolistique?... s'il s'agit de passer un bon moment avec une bande de potes le jdr en prétexte, s'il s'agit de roleplayer passionement les querelles entre perso au détriment d'une ligne scénaristique, alors un grand groupe est souhaitable. A l'invers si l'attention de la séance est portée sur l'introspection, l'expression des états d'âmes et les histoires perso des personnages, si l'on souhaite rester attacher à l'intrigue scénaristique et ses rebondissements, même dans les cas ou un combat au long cour mobilisera toutes les énergies techniques, un nombre de joueurs réduit est préférable pour le MJ et pour les joueurs.
Conclusion : en dehors des questions de disponibilité il me semble que le nombre de joueurs dépend avant tout du consensus sur ce que va être la partie et plus largement sur ce que doit prioritairement être le jdr (ses valeurs principales aux yeux d'une équipeMJ/PJ donnée).

 

Comme je le précise au début de l'article, j'écarte dans cet analyse l'aspect "plaisir de se retrouver entre potes". C'est quelque chose qui compte incontestablement, mais qui est justement subjectif à 100%.

J'ai voulu me focaliser au contraire sur ce qui pouvait avoir une part objective et donc généralisable, c'est-à-dire les contraintes/avantages concrets et plus ou moins inévitables découlant du nombre de joueurs.

Pour ce qui concerne tes exemples, je pense que tu mets le doigt sur un point intéressant auquel je n'avais pas pensé : la dynamique de groupe plus propice aux "hors-sujet" dans les groupes nombreux. Je trouve ça pertinent.

Cependant, je crois que cela n'annule pas l'avantage que j'évoque (les joueurs qui créent de l'histoire en autonomie). Je crois que les deux se superposent. De cette addition entre un élément positif et un élément négatif (du point du vue du MJ donc), le bilan peut être positif ou négatif (selon la dynamique spécifique du groupe concerné et selon aussi les préférences personnelles du MJ).

Concernant le fait d'envisager les choses sous l'angle MJ/PJ, j'ai l'impression que c'est indispensable pour ce genre de choses. Bien sûr, tous les MJ n'ont pas les mêmes envies et tous les joueurs non plus. Il n'en reste pas moins que ces deux rôles conduisent globalement à arriver autour de la table avec des objectifs bien différents. Un joueur qui arrive avec une fiche et un historique éventuel risque fort de ne pas avoir les même critères de plaisir que le MJ qui arrive avec un scénario sous le bras. Pour prendre un exemple, j'ai l'impression qu'un joueur qui a du mal à en placer une pendant toute la soirée (ce qui peut venir d'un grand nombre de joueurs) aura du mal à trouver que c'était une chouette partie. A l'inverse, effectivement, peut-être qu'il se sera bien marré parce-que tous ses potes réunis créent une ambiance tordante, mais comme pour mon exemple précédent, cela s'ajoute sans s'annuler. De cette synthèse rigolade/"pas pu en placer une" (plus d'autres facteurs plus fins sans doute) ressortira une impression générale plus ou moins positive.

Pour résumer, ma conclusion est plus personnelle que je le pensais, mais je maintiens mes mes arguments précédents celle-ci bien qu'étant conscient qu'ils ne sont pas exhaustifs.

 

petit commentaire en passant, chouette article et merci d'avoir cité mon article même si j'avoue avoir survolé le phénomène

 
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