La taverne des rôlistes

Réflexion et analyse critique sur le JdR en général et sur des JdR particuliers

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Rencontre avec un personnage pré-tiré


Par "personnage pré-tiré", nous entendons tout personnage joueur qui n'a pas été créé par le joueur. Cela inclut donc les personnages proposés dans les compléments officiels (fréquents dans les scénarios) et des personnages construits par le MJ sans concertation avec les joueurs. Dans les deux cas, nous mettons dans cette même catégorie les personnages qui sont directement imposés au joueur et ceux qui sont choisis parmi une collection. Lorsqu'un joueur se crée lui-même un personnage, cette création va être influencée par ses goûts (voir "les personnages révèlent ils la personnalité des joueurs") et son interprétation va quant à elle être influencée par sa personnalité (voir "Du joueur au personnage, un gouffre ou pas ?"). En revanche, lorsque le personnage est pré-tiré, les choses risquent d'être différentes.


En effet, un personnage pré-tiré ne coïncide pas nécessairement avec les goûts du joueur. Ainsi, non seulement son interprétation sera classiquement influencée par la personnalité du joueur, mais en plus, il pourrait y avoir une part de réinterprétation du concept du personnage. Nous avons constaté ce phénomène lors d'une petite expérience rôlistique menée sur une campagne de Warhammer. Le principe était le suivant : pour la première séance, tout se déroulait normalement puisqu'un MJ créait et menait un scénario et chaque joueur créait un personnage et l'interprétait. A la deuxième séance, nous continuons la campagne, mais en échangeant les rôles. Un joueur prend la place du MJ (et inversement) et les autres joueurs échangent leurs personnages. Pour cette expérience, le personnage que j'avais créé était un orque très original puisqu'il avait été trouvé tout jeune par un vieux médecin de campagne humain qui, dans une conception "humaniste" de son devoir médical, décida de le protéger. Cet orque adopté dans un minuscule village perdu a donc reçu une éducation humaine de bonne qualité et est donc devenu plutôt sociable malgré ses tendances naturelles. Il fut intéressant de constater que selon le joueur qui interprétait l'orque, ce dernier était soit une brute sauvage qui tentait de faire des efforts pour ne pas céder à ses pulsions, soit un gentil géant victime des préjugés des humains. Dans cet exemple, on voit que ça n'est pas seulement la manière de jouer le personnage qui est différente, c'est la compréhension que avions de celui-ci ou plutôt la manière dont nous avons, chacun de notre côté choisi de combler les manques de précisions dans la description du personnage. Je l'ai décrit comme en racontant son histoire et en disant deux mots sur sa personnalité, mais cela laisse en réalité une certaine marge de manoeuvre. Il a été possible avec une même description d'imaginer deux personnages très différents en comprenant les choses comme nous avions envie de les comprendre. En fait, ce qui s'est passé est assez logique. En "imposant" un personnage, nous sautons l'étape de création reposant sur les goûts du joueurs. En conséquence, le personnage est susceptible de ne pas plaire (partiellement ou totalement). C'est donc tout naturellement que le joueur a effectué de mini-corrections sur celui-ci pour le ramener vers un type de personnage qui lui convient mieux. Nous avons de nouveau constaté ce type de phénomène dans une partie plus récente de Loup-Garou dans laquelle le MJ nous a imposé de choisir notre personnage parmi 4 pré-tirés. En en discutant pas la suite, je me suis rendu compte qu'au moment de ce choix, je réfléchissais justement à ce que je pourrais faire avec chacun des personnages. Ainsi, j'ai éliminé un personnage parce-qu'il était clairement décrit comme étant un type plein de fantaisie et en perpétuel représentation. Or, je ne pouvais pas remodeler ce point car il était au coeur du personnage et il ne s'agit pas de concepts qui m'intéressent dans le JdR. J'ai donc choisi un personnage dont la succincte description était compatible (par complétion) avec des personnages intéressants pour moi. Là encore et comme souvent, le personnage pré-tiré ne dispose pas d'une description d'une précision extrême. La zone de non-dit est en réalité un espace de liberté pour le joueur. Cet espace de liberté est quelque chose d'inévitable mais surtout d'utile. Grâce à cela, le joueur n'a pas à faire tout le chemin jusqu'à son personnage car le personnage lui même va pouvoir faire quelques pas en direction du joueur, et je crois que c'est parce qu'ils arrivent à se rencontrer qu'il y aura du plaisir dans le jeu.

Guerrier du chaos

Sylvain

4 commentaires:

Article très intéressant!

J'ai l'impression pour ma part que chaque joueur a tendance à jouer très souvent le même genre de personnage. En création libre, l'exemple de mon groupe est saisissant : d'une campagne de D&D sur l'autre, on avait l'impression d'avoir même groupe, alors que tous les personnages étaient nouveaux, avec de nouvelles classes.

Du coup, ca ne m'étonne pas qu'en personnage pré-tirés, les joueurs tentent de s'approprier le PJ en l'orientant vers une personnalité qui leur correspond mieux. Au final les joueurs peuvent complètement dévier de la personnalité attendue du PJ, et c'est eux qui auront le dernier mot.

Certains joueurs vont aimer avoir un personnage imposé pour varier leur jeu (qui malgré tout, risque d'être stéréotypé), la plupart des miens vont souvent jouer de la même manière, se concentrant plus sur l'ambiance et l'intrigue que sur leur personnage.

 

J'ai aussi constaté de mon côté que les joueurs les plus expérimentés avaient tendance à jouer des personnages qui se ressemblent.

Ce phénomène dont j'ignore le degré de généralité s'expliquerait selon moi de la manière suivante : les jeunes joueurs tâtonnent, essaient différents types de persos et certains leur conviennent mieux que d'autre. Les vétérans quant à eux savent ce qui leur plait d'interpréter et orientent donc leur création (ou leur choix) de perso de cette manière. J'ai donc l'impression que l'expérience des joueurs consiste aussi à mieux savoir ce qui leur convient en termes de personnage, d'où la régularité qui s'installe progressivement.

 

ça dépend.
De par mon experience, mes joueurs expérimentés changent radicalement de persos d'une chronique à l'autre et d'un jeu à l'autre. QUand je leur fait remarqué, ils me répondent : " Je veux tester, c'est un style de roleplay et de jeu que je ne connais pas, et ne me voyais pas faire, mais je veux tester, ça peut être super marrant", alors que mes nouveaux joueurs mettent du temps à sortir du même style de perso. Ainsi mon frangin a eu besoin d'un grand nombre de partie pour sortir de la "Brute qui tappe et parle pas" pour nous faire découvrir un aspect de son jeu de perso vraiment sympa, et une amie commence enfin à sortir de son rôle de "soigneuse", qu'elle ne remplissait pas si bien en plus.

Sinon, comme d'habitude, très bon article !

 

Article fort intéressant. Pour ma part, j'ai tendance à mixer les deux. Connaissant certains joueurs, je leur fait un perso prétiré correspondant à leurs goûts, libre à eux ensuite de le modifier plus ou moins (bon certains joueurs jouent toujours le même type de perso dans tous les jeux, donc c'est pas dur). D'autres en revanche n'aiment pas les prétirés et aimeraient créer leur personnage de A à Z même pour une partie one-shot de 4h00.

Quand je suis PJ : j'aime parfois bien que le MJ me donne un prétiré totalement différent de ce que j'aurais fait moi. Ça permet
1)De se mettre dans la peau d'un acteur qui va interpréter un rôle.
2)De casser mes habitudes de jeu et peut être de me faire découvrir une facette du JDR que je n'avais pas encore explorée.

 
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